Le Monde

Elena Ferrante, le bon filon de Gallimard

Par Nicole Vulser

Le succès littéraire de la mystérieuse auteure italienne Elena Ferrante ne se dément pas. Celle qui fuit et celle qui reste, le troisième tome des aventures d’Elena et Lila, deux amies d’enfance ayant grandi, aimantées, dans les vilains faubourgs de Naples dans les années 1950 avant de connaître des destins opposés, devrait combler les vœux de Gallimard. La maison, la seule à éditer en France depuis 1995 cette auteure italienne anonyme, a en effet tiré cet ouvrage à 100 000 exemplaires dans la collection « Du monde entier » et l’a mis en place à 80 000 exemplaires dans les librairies mardi 3 janvier.

« Des chiffres bien plus importants que les deux premiers tomes », assure Jean-Charles Grunstein, qui dirige les ventes chez Gallimard. L’Amie prodigieuse, le premier opus, sorti en octobre 2014, s’est vendu à 407 000 exemplaires (dont 370 000 en format poche) selon le baromètre GfK. « Ce sont les poches qui ont lancé l’engouement pour cette saga et ont permis de démultiplier les ventes », explique M. Grunstein.

Le deuxième tome, Le Nouveau Nom, dans lequel Elena, diplômée de l’Ecole normale de Pise, réussit à sortir d’un impitoyable déterminisme social, a été publié en France en janvier 2016 et s’est depuis vendu à 95 000 exemplaires, toujours selon GfK. La version poche sort cette semaine.

« Elle était inconnue en France encore l’an dernier », souligne Vincent Raynaud, éditeur du domaine italien chez Gallimard. Le succès d’Elena Ferrante a permis à la maison d’édition de réaliser plus de 6 millions d’euros de chiffre d’affaires en à peine plus de deux ans. « C’est une très bonne surprise », dit-il. D’autant que ses premiers ouvrages, L’Amour harcelant, Poupée volée ou Les Jours de mon abandon, bénéficient a posteriori de la notoriété de la saga.

Le quatrième tome, L’Enfant perdue, est déjà sorti en Italie mais ne devrait pas être commercialisé en France avant octobre.

Adaptation télé

Mêlant mafia, pauvreté et machisme, cette série est progressivement devenue un phénomène mondial traduit dans quarante-deux pays. Le mystère qui entoure cette écrivaine y est sans doute pour quelque chose. Seule auteure à figurer dans la liste des cent personnalités les plus influentes du magazine américain Time en 2016 aux côtés de l’Américain Ta-Nehisi Coates, Elena Ferrante n’a jamais révélé sa véritable identité.

Les suppositions sont multiples : s’agit-il d’un homme ? D’une femme ? D’un duo ? Si Claudio Gatti, journaliste pour le quotidien italien Il Sole 24 Ore, a affirmé en octobre avoir découvert, grâce à une enquête fiscale et à une analyse de ses biens immobiliers, que l’auteure était Anita Raja, une traductrice romaine, fille d’un magistrat napolitain et d’une professeure d’allemand, ni la principale concernée ni Sandro Ferri, son éditeur italien chez Edizioni E/O, n’ont confirmé. Et bon nombre d’écrivains se sont dits choqués par les méthodes de M. Gatti et par cette atteinte à la vie privée.

Une adaptation sur petit écran des aventures d’Elena et Lila est déjà en chantier, coproduite par Fremantle Media, Wild Side et Fandango Productions. Si Francesco Piccolo supervise l’écriture des trente-deux épisodes, le nom des deux principales actrices italiennes n’a pas encore filtré.

Gallimard a de quoi se frotter les mains. Après une fin d’année 2016 triomphante grâce au succès de Chanson douce de Leïla Slimani – le prix Goncourt s’est déjà écoulé à 363 000 exemplaires – et aux flots d’or dégagés par le huitième opus de Harry Potter, 2017 commence bien. Egalement sorti le 3 janvier, le premier tome d’une autre saga de Daniel Pennac, Le Cas Malaussène, a été tiré à 150 000 exemplaires.
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